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des lois de Dieu, d'une minute à l'autre me parlaient de plus en plus fort, désormais je n'étais plus le même
homme; une transformation salutaire s'était opérée en moi.
Tant que le feu des batailles, avec l'excitation qu'elles produisent, dura, je vécus comparativement calme et
tranquille, les succès que nous obtînmes dans les années de 1744 à 48 sont enregistrés dans les pages de
l'histoire, et certes ils avaient été assez grands pour exalter nos cerveaux pleins d'amour et de patrie.
M. de Beauharnais, alors Gouverneur de Québec, avait admirablement combiné ses plans. Il avait divisé ses
troupes en plusieurs endroits de manière à partager ainsi les forces de l'ennemi plus nombreux qu'il avait à
rencontrer.
Cinq mois après, j'étais revenu de Saratoga avec un des corps expéditionnaires dont je faisais partie. La lutte
avait été sanglante, et acharnée, mais je portais sur moi les témoignages de ma valeur, que j'avais gagnés sur
les champs d'honneur. Enivré par le souffle des batailles ou plutôt par le désir de chercher dans une excitation
extérieure, un calmant pour les remords qui me dévoraient, je résolus de me joindre avec mes hommes au
corps du M. Ramsay qui se dirigeait vers l'Acadie. Je n'ai pas besoin du vous dire sous cet habile général,
combien nous réussîmes dans nos projets.
Tous les officiers d'état-major m'avaient, tour à tour félicité sur la bravoure que j'avais déployée dans les
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combats que nous livrâmes dans cet endroit. Mais si mes idées ou mon ambition de gloire étaient satisfaites,
mon désir de procurer de plus grandes richesses encore à ma malheureuse Angeline, était loin de l'être.
J'aurais voulu pouvoir lui construire un palais d'or, la voir entourée de toute l'abondance et des jouissances que
le monde peut produire. Je reconnais intérieurement que tous ces biens de la terre ne seraient rien en
comparaison de ce que je lui avais fait perdre, le plus grand bienfait que Dieu ait donné à l'enfant, c'est de
recevoir les caresses et les baisers de sa mère.
J'appris donc un jour qu'à Louisbourg des corsaires avaient amassé des fortunes considérables par la prise de
vaisseaux ennemis. Chacun de l'équipage avait sa part de prise. Bien que je pusse revenir paisible dans mes
foyers, je résolus, après avoir choisi cinquante hommes des plus vigoureux et intelligents de la tribu, et leur
avoir fait part de mes projets, d'aller offrir mes services à quelqu'un de ces corsaires.
Tous me suivirent avec enthousiasme et nous nous dirigeâmes vers Port Royal.
C'étaient des hommes forts et déterminés que ces braves que j'avais choisis, et j'en parle encore aujourd'hui
avec orgueil, car ils se sont toujours battus comme des lions et n'ont jamais compté le nombre de leurs
ennemis.
Pendant dix-huit mois nous parcourûmes les mers de ces parages à bord de la corvette La Brise, commandée
par le capitaine Le Blond, avec une chance sans égale pour ainsi dire. Nous fîmes des prises que nous
dirigeâmes vers Québec et qui nous donnèrent encore des sommes considérables qui furent déposées en notre
nom dans le Trésor Royal. J'y étais pour ma part de pas moins de vingt-cinq mille piastres, dont j'avais la
reconnaissance. Cet argent devait être retiré par M. Odillon. le missionnaire dont, j'ai parlé plus haut.
Enfin, mus par le désir de revoir nos foyers, rassasiés de gloire et de nos parts prises, nous allions reprendre
terre, lorsqu'un sloop qui nous servait d'éclaireur vint nous informer qu'un gros bâtiment anglais se dirigeait
vers Boston. Son allure était lourde et sa marche bien lente. Il était à dix-neuf milles de la côte et paraissait
faire force de voiles pour gagner sa destination. Unanimement nous décidâmes d'en faire notre proie.
Nous levâmes l'ancre et nous nous mîmes à sa poursuite. Nous ne fûmes pas longtemps sans l'atteindre. Après
vingt-quatre heures de course, nos vedettes perchées dans les hunes, nous apprirent qu'elles apercevaient les
lumières du bâtiment que nous convoitions. Il était neuf heures du soir. Nous mîmes toute la toile disponible
au vent et vers quatre heures du matin, le bâtiment n'était plus qu'à un demi-mille de nous. Nous étions alors
au mois d'août et l'aurore est encore matinale dans les latitudes septentrionales.
Au premier coup de canon que nous tirâmes, nous le vîmes carguer et mettre en panne. Des hourrahs de notre
bord accueillirent cette manoeuvre. Ce bâtiment était à nous, nous le croyions déjà, et nous-mêmes avions
serré nos voiles, car pendants ce temps, nous l'avions approché à moins qu'à demi-portée de canon.
Mais le capitaine anglais était un rusé vieux loup de mer. Pour retarder la marche de son vaisseau et nous
laisser approcher autant que possible, il avait suspendu des sacs de sable qui l'empêchaient d'avancer. Il avait
aussi masqué l'ouverture des sabords et abaissé la mâture des ses hautes oeuvres. Cette tactique lui réussit
parfaitement. Malheureusement, nous avions affaire à une frégate de cinquante-six, montée par trois cents
hommes d'équipage, plus un régiment de soldats qu'elle amenait à Boston. Nous ne nous en aperçûmes que
lorsqu'il était trop tard. Notre chère corvette ne portait qu'à peine vingt petites couleuvrines.
Nos succès antérieurs nous avaient rendus téméraires jusqu'à la folie. A peine fûmes nous dans ses eaux qu'à
un coup de sifflet, ses hunes et ses vergues se garnirent de matelot, les haches coupèrent les cordages qui
retenaient les sacs de sable et, vive comme un marsouin, la Vigourous tourna son flanc vers nous, ouvrit ses
sabords, vingt-huit gueules de canons nous lancèrent des boulets qui abattirent deux de nos mâts, coupèrent
les cordages; quelques-uns même d'entr'eux traversèrent de part en part la coque de notre malheureuse
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corvette. La Brise était complètement désemparée. Peu d'instants après la frégate avait jeté ses grappins
d'abordage. Vaincre ou mourir cria le capitaine d'une voix tonnante et hourrah pour la France. Vaincre ou
mourir répétâmes nous à l'unisson et hourrah pour la France, quoique nous sussions la lutte impossible.
Le carnage fut affreux. Des monceaux de morts et de blessés recouvrirent notre pont, mais quand nous
sentîmes La Brise s'enfoncer et que nous n'étions plus que quatre hommes vivant auxquels il ne restait qu'un
souffle de vie, car le sang s'échappait de nos nombreuses blessures, il fallut nous rendre on plutôt permettre
qu'on nous transportât à bord du bâtiment anglais.
Pauvre Brise! dix minutes après j'entendais les cris de triomphe de l'équipage qui m'apprenaient que tu venais
d'enfoncer dans les profondeurs de l'océan et je perdis connaissance.
Le lendemain, quand je revins à moi mes blessures avaient été pansées, je gisais sur un lit dans un des
hôpitaux de Boston. Des quatre marins qui avaient échappé au désastre, deux seuls survécurent aux suites de
leurs blessures. Ce furent un autre canadien et moi.
Dès que la santé nous revint, il fut dirigé avec moi vers la Caroline du Sud où nous fûmes vendus comme
esclaves. Ce jeune homme, après des dangers sans nombre et des peines infinies, réussit à s'évader. Je ne le
revis que plusieurs années plus tard: il a été depuis mon hôte, mon commensal et mon ami. Il s'appelait
Baptiste.
C'était, ajouta monsieur D'Olbigny, le même Baptiste qui nous servait de guide dans notre excursion au Lac à
la Truite.
ESCLAVAGE ET ÉVASION.
Je passai cinq longues années enchaîné à un autre homme. C'était un nègre qu'on avait acheté d'un capitaine
négrier. Il avait été vendu à ce dernier par un vainqueur barbare. Le malheureux était lui aussi un prisonnier de
guerre et venait d'arriver des côtes du Mozambique. Comme moi, il avait toujours été libre enfant des grands
bois, aimant les fruits savoureux du cocotier et l'ombrage des palmiers dont les habitants du sol jouissent dans
toute leur inappréciable liberté et indolence.
Il avait de plus laissé au pays une jeune femme, des enfants, des frères et soeurs, un grand nombre d'amis,
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